Le CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) dispose de nombreux laboratoires répartis sur le territoire français. Le site de Gif-sur-Yvette, dans les Yvelines (77), abrite plusieurs de ces laboratoires. L’ICSN (Institut de Chimie des Substances Naturelles) y dispose de son bâtiment de 7000m² depuis 1959. Tandis que l'I2BC (Institut de Biologie Intégrative de la Cellule) y construit actuellement son nouveau bâtiment, à proximité immédiate de l’ICSN. Dans le cadre de cette nouvelle construction, le CNRS s’est interrogé sur les possibles interactions entre les systèmes de ventilation des deux bâtiments. Plus précisément, il s’agissait de savoir si les prises d’air neuf de l’I2BC n’étaient pas positionnées de telle sorte qu’elles reprendraient l’air vicié rejeté par les sorbonnes de l’ICSN, les hottes ventilant les paillasses de laboratoire.
Quelques tests fumigènes avaient été entrepris depuis la toiture de l’ICSN, mais ils s’avéraient insuffisants pour conclure sur les ré-aspirations possibles par l’I2BC. Par conséquent, le Pôle Patrimoine et Logistique de l’IFSeM, Délégation Paris-Villejuif, a mandaté Andheo pour une étude par simulation de la dispersion de l’air vicié rejeté par l’ICSN et l’analyse des interactions possibles avec le futur bâtiment de l’I2BC.
La ville de Gif-sur-Yvette se situe à la croisée de deux gorges creusées par la rivière l’Yvette, dont le lit s’étend d’est en ouest, et par son affluent la Mérantaise, en provenance du nord-ouest. Elle est en contre-bas de près de 80m par rapport à la topographie environnante. Le site du CNRS se trouve dans la partie nord de la ville, à proximité immédiate du plateau de Saclay situé à l’est. A l’ouest, la zone est citadine et très arborée, les constructions (majoritairement des maisons) ne dépassant pas la cime des arbres. En amont surplombe le bois d'Aigrefoin. La topographie accidentée et la forte couverture forestière influencent fortement les mouvements atmosphériques qui impactent le site. Si les vents dominants sont globalement d’ouest en Ile-de-France, portés par les influences océaniques, il pourrait en être autrement localement.
Pour la simulation, il a donc été décidé de couvrir une large zone autour du site du CNRS, de 5km de côté. La topographie du terrain a été récupérée sur le site Google Maps. Pour ne pas trop alourdir le modèle numérique, le pas de discrétisation a été diminué progressivement en s’éloignant des bâtiments. On a ainsi considéré 4 zones, à savoir :
1è zone : Carré de 200m par 200m avec un relevé topographique tous les 5m
2è zone : Carré de 800m par 800m avec un relevé topographique tous les 10m
3è zone : Carré de 1km par 1km avec un relevé topographique tous les 20m
4è zone : Carré de 5km par 5km avec un relevé topographique tous les 50m
Seuls les bâtiments suivants ont été modélisés :
l’ICSN (bâtiment 27),
l’I2BC, bâtiments existants (22, 23 au sud-est, 26 au nord) et en construction (24 à l’est).
Les autres bâtiments alentour n’ont pas été incorporés. En effet :
ils sont généralement de dimensions plus modestes que ceux de l’ICSN et l’I2BC.
à l’ouest, une rangée d’arbre masque les habitations de l’ICSN,
au sud, le sol est en devers et la partie haute des bâtiments ne dépasse pas de la hauteur du terrain au niveau de l’ICSN,
au nord, les bâtiments sont à distance notable de ceux qui nous intéressent,
à l’est, aucun bâtiment ne se situe entre l’I2BC et la montée vers le plateau de Saclay.
La présence de parties boisées tout autour du site a été prise en compte par l’ajout d’un bloc autour des bâtiments du CNRS, sur une hauteur de 12m. Dans la simulation, l’air peut traverser ce bloc mais en étant partiellement bloqué, par un paramètre de porosité qui modélise le blocage de l’air par les arbres et les habitations.
Le modèle de porosité retenu est un modèle isotropique, dépendant de la vitesse, basé sur les travaux de B. Dalpé ("Couche de surface atmosphérique en présence d’un recouvrement forestier", 2007). On obtient ainsi des profils de vitesse représentatifs de ceux obtenus en aval de forêts. La figure ci-dessous montre les profils de vitesse à 10m en aval de la zone de porosité, obtenus pour différents coefficients de porosité et pour un profil amont de type couche limite atmosphérique en zone rurale dégagée. Comme illustré sur la figure, le coefficient de porosité, qui caractérise la densité du volume traversé, influe beaucoup sur le profil de vitesse aval. Le coefficient de porosité retenu pour cette étude est de 0.2. Il a été choisi en prenant en compte que cette zone de porosité était composée de bois ainsi que de constructions.
Le logiciel utilisé pour construire la maquette numérique, SolidWorks (édité par Dassault Systèmes), n’admet pas la construction de géométries de dimension supérieure à 1km. Par conséquent, la maquette numérique a été construite à échelle 1/1000è. Pour modéliser correctement l’écoulement atmosphérique sur la maquette réduite, des règles de similitudes doivent être appliquées, comme dans les souffleries. Elles permettent de garantir la conservation des grandeurs caractéristiques de l’écoulement, comme les nombres de Reynolds et de Froude.
Les systèmes d’air des différents bâtiments ont été modélisés :
Pour l’ICSN, le système d’air est composé de 6 CTA pour la prise d’air neuf, situées sur les 4 flancs du bâtiment, et 130 sorbonnes en toiture rejetant l’air vicié, avec des bouches de rejet principalement orientées vers l’est.
Pour le bâtiment 24 de l’I2BC, on compte en toiture 3 prises d’air neuf, 2 rejets d’air et 32 sorbonnes et tourelles d’extraction.
Pour les autres bâtiments de l’I2BC, on compte également plusieurs CTA, rejets d’air et sorbonnes en toitures et sur le flanc nord.
Les conditions de vent dominant ont été considérées. Un vent d’ouest d’une force de 25km/h a été appliqué, valeur prise à 10m de hauteur au-dessus du niveau le plus bas aux frontières du domaine de calcul, soit 71m. La simulation a montré que la topographie locale du terrain, en particulier la vallée située au nord du site, a modifié la direction principale du vent, qui est orienté localement du nord-ouest. On retrouve la direction constatée lors des tests fumigènes. En traçant les lignes de courant issues des sorbonnes de l’ICSN, on peut suivre la trajectoire de l’air rejeté. On constate que grâce à l’orientation locale du vent, l’air renvoyé par les sorbonnes contourne les autres bâtiments par le sud. Par conséquent, les prises d’air de ces derniers ne reprennent pas l’air rejeté par l’ICSN.