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Étude des performances aérodynamiques d'un drone à aile rhomboïdale

Depuis quelques années, le marché des drones (avions sans pilotes) augmente fortement. L'immense majorité des drones existants a pour objectif la surveillance, que ce soit d'incendies, de raffineries, de trafic routier, maritime, etc. Ces missions requièrent ainsi à la fois une bonne autonomie, mais aussi une vitesse de croisière importante afin de pouvoir couvrir de grandes distances.

© Aero Composites Innovations

Le drone R²-150 est développé par la société Fly-R (nom commercial : Aero Composites Innovations) pour la surveillance maritime et de feux de forêts, ainsi que des missions dans des conditions météorologiques et environnementales difficiles. Il s'agit d'un drone de taille moyenne avec une envergure d'1m50 et une masse de 10kg en configuration électrique. L'autonomie visée est de 2h avec une vitesse de croisière de 130km/h. Sa particularité réside dans sa compacité grâce à l'utilisation d'une aile rhomboïdale (aile en diamant sur deux plans) permettant ainsi de réduire à la fois l'envergure et le poids pour des performances aérodynamiques très proches d'une configuration classique présentant une envergure double mais une surface alaire identique. La conception présente en outre l'avantage de réduire les tourbillons marginaux visibles sur des voilures classiques, limitant ainsi la traînée totale du drone et augmentant sa vitesse et son endurance.


Drone Fly-R R²-150 (© Courtesy of AC-Innov)

Drone Fly-R R²-150 (© Courtesy of AC-Innov)

Le calcul des performances aérodynamiques d'un tel système constitue une des applications historiques de la CFD pour le secteur aéronautique. Une problématique souvent sous-estimée dans le calcul des performances est la transition de la couche limite entre les régimes laminaire et turbulent. Cette transition est particulièrement importante à prendre en compte dans l'estimation de la traînée (une couche limite laminaire frotte beaucoup moins qu'une couche limite turbulente), surtout quand l'avion vole dans un régime transitoire, ce qui est le cas pour le R²-150 en croisière (le Reynolds de vol est alors d'environ 1e6). Malheureusement, la prise en compte de cette transition, malgré son fort impact sur les performances, reste très complexe.


© ONERA elsA

elsA, le code aérodynamique édité par l'ONERA en collaboration avec Airbus et Safran, permet la prise en compte de façon précise de cette transition. Il s'appuie sur des maillages structurés, que l'on peut assembler en patchs recouvrants grâce à la technique chimère.

© Pointwise

L'ensemble des patchs a été réalisé en utilisant le logiciel Pointwise, qui en simplifie la génération grâce à son algorithme d'extrusion hyperbolique. Dans le cas de géométries concaves, l'utilisation de cet algorithme requiert malgré tout du savoir-faire pour obtenir un maillage de bonne qualité

Vue des différents patchs générés avec Pointwise pour chacune des parties de l'avion (aile, dérive, fuselage, hélice, etc.)

© Cassiopée

Les patchs sont ensuite assemblés en utilisant les modules Cassiopée d'elsA. Cassiopée réalise en outre les différents masquages et calculs d'interpolation inter-patchs nécessaires à la simulation CFD. Le maillage final pour la configuration complète compte environ 130 millions de mailles répartis sur deux fois 14 patchs.

Maillages surfaciques générés avec Pointwise colorés suivant leur patch d'appartenance


Les images suivantes montrent une coupe du maillage dans le plan de symétrie de l'appareil. Les différents blocs sont bien visibles, notamment le fuselage (rouge), l'aile haute (vert), l'hélice arrière (rose) et la dérive ventrale (bleu) ainsi que le maillage de fond cartésien. Sur la figure de gauche, le masquage n'est pas encore calculé comme l'attestent les mailles présentes à l'intérieur de la géométrie. La figure de droite montre l'assemblage chimère une fois que le masquage est pris en compte : la géométrie est découpée proprement sur le maillage de fond et les recouvrements entre les différents maillages sont minimisés.

Vue des maillages sur le plan de symétrie avec les différents blocs colorés suivant leur patch d'appartenance

Ces deux images mettent en évidence les recouvrements de maillage au niveau de la dérive (gauche) et de la dérive ventrale (droite). Les différents maillages sont visibles ainsi que leurs recouvrements. On remarquera le soin apporté aux recouvrements, afin que ceux-ci soient les plus uniformes possibles (taille de maille identique entre les deux maillages recouvrants) dans le but de maximiser la stabilité et la précision de la solution numérique.

Vue des maillages surfaciques sur les dérives dorsales et ventrales avec les différents blocs colorés suivant leur patch d'appartenance

La turbulence est modélisée par une approche RANS stationnaire (Reynolds Averaged Navier-Stokes) utilisant le modèle de Spalart-Allmaras dans une de ces formes les plus récentes, SA-QCR2000 (Spalart-Allmaras with Quadratic Constitutive Relation 2000 version). La transition est modélisée grâce aux critères Arnal-Habiballah-Delcourt (AHD) dans la direction axiale et Arnal-Coustols pour les instabilités transversales. Ces critères sont basés sur la théorie de la stabilité linéaire et est efficace dans la détermination rapide de la transition dans des écoulements présentant de faibles taux de turbulence externe (tels que les avions, drones, etc.).


La présence de l'hélice située à l'arrière du fuselage a aussi été prise en compte par l'intermédiaire d'une condition limite de type « actuator disk ». Le saut de pression observé à travers une hélice est donc reproduit ici afin de tenir compte de ses effets sur le reste du drone.

De nombreux points de vol ont été étudiés afin de balayer le domaine de vol du drone. Plusieurs vitesses, angles d'attaque et de dérapage ont ainsi été simulés afin d'obtenir les polaires de vol (traînée, portance, finesse, moments, dérivées aérodynamiques, etc.) nécessaires au calcul des performances (endurance, etc.) mais aussi du pilote automatique. Des visualisations 3D ont aussi été obtenues afin de caractériser l'écoulement autour de l'appareil, et notamment la présence de tourbillons.

L'analyse des efforts aérodynamiques permet de montrer que l'appareil est stable (moment piqueur) en vol et présente une bonne finesse, c'est à dire un très bon rapport entre la portance et la traînée. De plus la grande dérive située sous le fuselage permet d'obtenir un bon comportement en lacet ainsi qu'un écoulement propre sur l'hélice. En outre, cette étude a montré que le rôle de la transition était non négligeable sur les efforts avec une diminution de la traînée de l'ordre de 20 % par rapport au régime turbulent. Les résultats numériques obtenus par Andheo et l'ONERA ont été validés lors d'essais en vol conduit par AC-Innov.


La répartition de pression sur le drone est représentée ici permettant d'observer les zones de fortes et faibles pression. Le point de vol considéré ici présente un fort angle de dérapage, comme l'indique l'asymétrie de l'écoulement. On observe sur les bouts d'aile une interaction importante entre les ailes haute et basse avec des zones de faible pression sur l'aile basse mais aussi sur l'aile haute.

Répartition de pression sur le drone pour un vol à haute vitesse, faible angle d'attaque et fort dérapage

La transition est illustrée sur les figures suivantes par l'intermédiaire de visualisations 3D. Une iso-surface du ratio entre viscosités turbulente et laminaire est utilisée afin de mettre en valeur à la fois le lieu de transition de la couche limite mais aussi le développement du sillage turbulent. La transition intervient à mi-corde sur l'extrados de la voilure tandis que l'intrados reste entièrement laminaire. La production de turbulence est aussi visible par les différents sillages au niveau des bouts d'ailes et du fuselage/hélice. L'iso-surface est ici colorée par le nombre de Mach, c'est à dire la vitesse de l'écoulement. L'angle de dérapage est en outre rendu bien visible par le non-alignement des différents sillages avec l'axe du drone.

Iso-surface de ratio entre les viscosités turbulente et laminaire colorée par le Mach

Enfin, les deux dernières figures présentent des coupes dans l'écoulement du ratio entre les viscosités turbulente et laminaire (gauche) et de l'énergie cinétique turbulente (droite). Elles mettent en évidence le développement des structures tourbillonnaires en aval du drone. Trois tourbillons principaux sont visibles :

  • Les tourbillons de bouts d'aile ou tourbillons marginaux très faibles dans ce cas malgré la présence de dérapage.

  • Le tourbillon dû à la présence du fuselage et de l'hélice (même si la rotation de cette dernière a été négligée).

  • Le tourbillon dû à la dérive ventrale et à l'angle de dérapage que l'on voit se développer sous le tourbillon du fuselage avant de fusionner plus en aval.

Coupes colorées par le ratio entre les viscosités turbulente et laminaire (gauche) et par l'énergie cinétique turbulente (droite)



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